Richesses du livre pauvre

Avec des études et témoignages de Georges Badin, Béatrice Casadesus, Henri Droguet, Max Fullenbaum, Philippe Hélénon et Henri Meschonnic
Gallimard
Parution
La tradition des livres enluminés est séculaire. Elle a trouvé un relais, du temps de Mallarmé puis d'Apollinaire et des surréalistes, dans les livres d'artistes, dont le destin a souvent été de rejoindre les étagères ou les coffres des bibliophiles.
Le livre pauvre est certes un livre d'artistes, mais qui obéit à une double exigence : les ouvrages, qui associent le texte manuscrit d'un écrivain et l'illustration originale d'un peintre, sont tous «hors commerce» et leurs exemplaires en nombre très réduit (de deux à sept).
Destiné à être montré au public le plus large, le livre pauvre est paradoxalement un livre de bibliophilie qui se refuse aux bibliophiles. Si on le qualifie de «pauvre», c'est parce qu'il se passe des relais habituels – avec lui, point d'imprimeur, point de graveur ni de lithographe, point d'éditeur, point de diffuseur. Il s'affranchit allègrement de toutes les barrières pour s'adonner à l'échange, à la confrontation, au métissage.
René Char avait réalisé des «manuscrits enluminés» avec les plus grands peintres de son temps (de Braque et Picasso, à Alexandre Galperine). Ami et confident du poète, Daniel Leuwers a repris son flambeau en associant une pléiade de poètes – et parfois de romanciers – à leurs «alliés substantiels». Du côté des écrivains, les plus affirmés – Fernando Arrabal, Michel Butor, Alain Jouffroy – tendent la main à la génération des Bernard Chambaz, Guy Goffette, Henri Meschonnic, André Velter, parmi tant d'autres. Quant aux peintres, ils ont pour noms Pierre Alechinsky, Georges Badin, Béatrice Casadesus, Erró, Philippe Hélénon, Michel Nedjar, Claude Viallat, André Villers, Yuki...
Le livre pauvre est un livre riche – et qui s'enrichit du regard des autres, hors des huis clos stériles. Avec lui, comme l'écrivait René Char, «toute la place est pour la beauté».