Album Joseph Kessel

. Iconographie commentée
Collection Albums de la Pléiade (no59)
Gallimard
Parution
Joseph Kessel – mais on dit «Jef» - a vécu ses enquêtes comme des romans et donné à ses reportages la vie qui anime la fiction. Ses avions ont quelque chose des navires de la poésie épique. Les pays qu'il a traversés, de l'Irlande désunie à l'Afghanistan déchiré, sont des «théâtres d'opérations». Mais ce qui le captive, derrière l'aventure, c'est l'aventure intérieure, le roman intime de chaque homme. Reporter, romancier, chez lui c'est tout un : même faculté d'émerveillement, même compréhension sans jugement, même quête de fraternité.
Quant à son propre roman intime, il fut en partie masqué par la légende. Ce qui manque le moins, ce sont les portraits du romancier en héros de roman, en Russe de cabaret pleurant d'émotion aux chants tziganes ou brisant son verre d'un coup de dents. L'essentiel est que les clichés ne fassent pas oublier la réalité plus contrastée de l'homme, que certains témoins laissent entrevoir. Ainsi de René Guetta qui évoque en 1938 son «vieux copain Jef», «silhouette d'armoire à glace» et «regard plein de désespérance» .
Désespéré, Kessel? Hanté par une forme de culpabilité, en tout cas, et à coup sûr marqué par les drames familiaux. C'est donc à un homme libre – mais libre dans la mesure où il a lui-même choisi les chaînes qu'il a portées –, pressé, excessif, intimidant, sincère, fraternel, aussi tourmenté que le siècle dans lequel il vécut, que Gilles Heuré rend ici toute sa complexité.