Fables
Avec les 285 gravures de Grandville et 192 de ses dessins
Collection Bibliothèque de la Pléiade
Gallimard
Parution
Au printemps de 1671, Mme de Sévigné et La Rochefoucauld apprennent par cœur « Le Singe et le Chat ». La Fontaine a presque cinquante ans ; la gloire lui est désormais acquise. Aujourd’hui, La Fontaine a quatre cents ans, et l’on en oublierait presque ce que sa gloire, décuplée par les siècles, a de surprenant.
Né en 1621, longtemps « garçon de belles lettres », La Fontaine s’est d’abord contenté de vivre — « Ne point errer est au-dessus de mes forces » — , et de lire. Malherbe et les Anciens, Rabelais et Marot aussi. Il attendra le milieu du Grand Siècle pour commencer à écrire. À la chute de Fouquet (1661), son protecteur, il n’a presque rien publié. Mais bientôt viennent les Contes licencieux et surtout, à partir de 1668, les Fables choisies mises en vers. Le dessein était apparemment modeste : prélever des fables dans un vaste fonds, essentiellement antique (Ésope et Phèdre) pour les offrir au public français. Or, si l’épopée et la tragédie n’étaient pas dénuées de prestige, si le roman même permettait de se forger une réputation, traduire et mettre en vers des fables n’était assurément pas le plus court chemin vers l’immortalité littéraire.
La Fontaine est du côté des Anciens. Pourtant en quête « du nouveau », il revendique une imitation « sans esclavage », et, se gardant de toute affectation, invente un art d’une évidence (apparemment) naturelle : le travail semble invisible dans les Fables (il est vrai qu’aucun brouillon ne nous en est parvenu). Le secret de leur modernité ? Peut-être la pensée mobile du monde qui s’y déploie. Plutôt que d’imposer ses vues sur la nature humaine à la façon d’un moraliste, La Fontaine propose « une ample comédie à cent actes divers », ou encore un « tableau où chacun de nous se trouve dépeint ». La sagesse à l’œuvre dans les Fables n’est pas le produit de quelque transcendance: elle se déduit des dialogues, des actions et des passions des personnages, placés parmi les choses terrestres. De là sans doute une fascinante et inépuisable profondeur. « Non seulement il a inventé le genre de poésie où il s’est appliqué, mais il l’a porté à sa dernière perfection », dira de lui Charles Perrault, qui notait — et le constat demeure valable — combien les Fables plaisaient à tout le monde, tant aux « enjoués » qu’aux « sérieux », tant aux vieillards qu’aux enfants.
Le texte intégral des Fables est ici accompagné d’illustrations de Grandville. C’est la première fois que se trouvent ainsi réunies toutes ses gravures (une par fable) publiées en 1837 et 1840, et une importante sélection de ses dessins, qui nous plongent dans l’atelier de l’artiste.
Ses essais, tâtonnements et repentirs dévoilent le jeu entre représentation animale et représentation humaine des personnages. Baudelaire disait de Grandville qu’il l’effrayait plus qu’il ne le divertissait. Effrayante parfois, c’est vrai, drolatique souvent, pétrie de ses fantasmes et de ses hantises, la mise en image des Fables de La Fontaine par Grandville constitue un chef-d’œuvre de l’illustration.
Né en 1621, longtemps « garçon de belles lettres », La Fontaine s’est d’abord contenté de vivre — « Ne point errer est au-dessus de mes forces » — , et de lire. Malherbe et les Anciens, Rabelais et Marot aussi. Il attendra le milieu du Grand Siècle pour commencer à écrire. À la chute de Fouquet (1661), son protecteur, il n’a presque rien publié. Mais bientôt viennent les Contes licencieux et surtout, à partir de 1668, les Fables choisies mises en vers. Le dessein était apparemment modeste : prélever des fables dans un vaste fonds, essentiellement antique (Ésope et Phèdre) pour les offrir au public français. Or, si l’épopée et la tragédie n’étaient pas dénuées de prestige, si le roman même permettait de se forger une réputation, traduire et mettre en vers des fables n’était assurément pas le plus court chemin vers l’immortalité littéraire.
La Fontaine est du côté des Anciens. Pourtant en quête « du nouveau », il revendique une imitation « sans esclavage », et, se gardant de toute affectation, invente un art d’une évidence (apparemment) naturelle : le travail semble invisible dans les Fables (il est vrai qu’aucun brouillon ne nous en est parvenu). Le secret de leur modernité ? Peut-être la pensée mobile du monde qui s’y déploie. Plutôt que d’imposer ses vues sur la nature humaine à la façon d’un moraliste, La Fontaine propose « une ample comédie à cent actes divers », ou encore un « tableau où chacun de nous se trouve dépeint ». La sagesse à l’œuvre dans les Fables n’est pas le produit de quelque transcendance: elle se déduit des dialogues, des actions et des passions des personnages, placés parmi les choses terrestres. De là sans doute une fascinante et inépuisable profondeur. « Non seulement il a inventé le genre de poésie où il s’est appliqué, mais il l’a porté à sa dernière perfection », dira de lui Charles Perrault, qui notait — et le constat demeure valable — combien les Fables plaisaient à tout le monde, tant aux « enjoués » qu’aux « sérieux », tant aux vieillards qu’aux enfants.
Le texte intégral des Fables est ici accompagné d’illustrations de Grandville. C’est la première fois que se trouvent ainsi réunies toutes ses gravures (une par fable) publiées en 1837 et 1840, et une importante sélection de ses dessins, qui nous plongent dans l’atelier de l’artiste.
Ses essais, tâtonnements et repentirs dévoilent le jeu entre représentation animale et représentation humaine des personnages. Baudelaire disait de Grandville qu’il l’effrayait plus qu’il ne le divertissait. Effrayante parfois, c’est vrai, drolatique souvent, pétrie de ses fantasmes et de ses hantises, la mise en image des Fables de La Fontaine par Grandville constitue un chef-d’œuvre de l’illustration.