L'Âge d'homme
précédé de L'Afrique fantôme
Édition publiée sous la direction de Denis Hollier avec la collaboration de Francis Marmande et Catherine Maubon
Gallimard
Parution
Trois textes plus un : autant de façons de pratiquer l’écriture de soi, autant d’épisodes d’une quête autobiographique. Le premier en date n’aboutit pas tout de suite à un livre. En 1930, Michel Leiris rassemble «des souvenirs d’enfance et d’extrême jeunesse touchant tous à l’érotisme». Il leur destine déjà la place centrale d’un ouvrage plus vaste. Intitulée Lucrèce, Judith et Holopherne, cette «confession» sera reprise, remaniée (autocensurée), dans L’Âge d’homme. On en révèle ici, en ouverture, la version originelle.
Mais Leiris est las de la vie littéraire. Il accepte de participer à la mission ethnographique Dakar-Djibouti (mai 1931-février 1933). Le voyage n’est-il pas une «expérience poétique»? Leiris tient un carnet de route. Rapidement, il donne à ses notes un tour personnel ; il ne raconte que les événements auxquels il a lui-même assisté et mêle aux observations ethnographiques des préoccupations plus intimes : rapports avec les autres, sentiments, obsessions érotiques, rêves... À sa publication, en 1934, le livre – L’Afrique fantôme – témoigne d’une pratique de l’autobiographie infléchie par l’expérience ethnologique.
Puis Leiris rouvre le dossier de L’Âge d’homme. Il révise (adoucit) le texte de 1930. Il y ajoute des souvenirs – les vacances espagnoles de l’été 1935 sont à l’origine de pages sur la tauromachie – et compose un livre de «confessions» qui va du «chaos miraculeux de l’enfance» à l’âge «cruel de la virilité». Sous l’influence de la psychanalyse, L’Âge d’homme entend dire «toute la vérité» : nouveau renouvellement dans la pratique autobiographique.
À peine achevé, à la fin de 1935, le livre est accepté par Gallimard. Seulement il ne paraît pas. Tout était prêt, mais le public attendra 1939 pour découvrir L’Âge d’homme. Entre-temps, en 1938, Leiris est revenu sur la corrida dans Miroir de la tauromachie : la tauromachie est «plus qu’un sport»; c’est un «art tragique», qui a partie liée avec l’érotisme et le sacré. Et avec l’écriture de soi.
Comment tauromachie et autobiographie communiquent-elles? par la confluence des risques. En 1935, les pages sur la tauromachie de L'Âge d’homme ne prennent pas encore en compte l’extension à la littérature d’une esthétique du risque. Mais dans le prière d’insérer joint à l’édition originale en 1939, cette idée est centrale. Et quand Leiris réédite son livre en 1946, il y ajoute une préface intitulée «De la littérature considérée comme une tauromachie» : écrire sur soi, se mettre à nu dans un livre, y confesser déficiences ou lâchetés, c’est créer un objet non pas semblable, mais équivalent à «ce qu’est pour le torero la corne acérée du taureau».
Mais Leiris est las de la vie littéraire. Il accepte de participer à la mission ethnographique Dakar-Djibouti (mai 1931-février 1933). Le voyage n’est-il pas une «expérience poétique»? Leiris tient un carnet de route. Rapidement, il donne à ses notes un tour personnel ; il ne raconte que les événements auxquels il a lui-même assisté et mêle aux observations ethnographiques des préoccupations plus intimes : rapports avec les autres, sentiments, obsessions érotiques, rêves... À sa publication, en 1934, le livre – L’Afrique fantôme – témoigne d’une pratique de l’autobiographie infléchie par l’expérience ethnologique.
Puis Leiris rouvre le dossier de L’Âge d’homme. Il révise (adoucit) le texte de 1930. Il y ajoute des souvenirs – les vacances espagnoles de l’été 1935 sont à l’origine de pages sur la tauromachie – et compose un livre de «confessions» qui va du «chaos miraculeux de l’enfance» à l’âge «cruel de la virilité». Sous l’influence de la psychanalyse, L’Âge d’homme entend dire «toute la vérité» : nouveau renouvellement dans la pratique autobiographique.
À peine achevé, à la fin de 1935, le livre est accepté par Gallimard. Seulement il ne paraît pas. Tout était prêt, mais le public attendra 1939 pour découvrir L’Âge d’homme. Entre-temps, en 1938, Leiris est revenu sur la corrida dans Miroir de la tauromachie : la tauromachie est «plus qu’un sport»; c’est un «art tragique», qui a partie liée avec l’érotisme et le sacré. Et avec l’écriture de soi.
Comment tauromachie et autobiographie communiquent-elles? par la confluence des risques. En 1935, les pages sur la tauromachie de L'Âge d’homme ne prennent pas encore en compte l’extension à la littérature d’une esthétique du risque. Mais dans le prière d’insérer joint à l’édition originale en 1939, cette idée est centrale. Et quand Leiris réédite son livre en 1946, il y ajoute une préface intitulée «De la littérature considérée comme une tauromachie» : écrire sur soi, se mettre à nu dans un livre, y confesser déficiences ou lâchetés, c’est créer un objet non pas semblable, mais équivalent à «ce qu’est pour le torero la corne acérée du taureau».