Cette année-là...
Préface de Paul Éluard
Collection Blanche
Gallimard
Parution
Nous avions besoin de contes, cette année-là, comme les autres
C'est doux les contes et c'est interminable. Et l'enfant se cramponne au temps qui ne passe plus. L'enfant ne grandit plus, ne grandira jamais. L'enfant, ce soir, ne s'endormira pas. À quoi bon dormir puisque son rêve est là, clair et animé, entre ses yeux et entre les lèvres douces de la conteuse. Et la conteuse rêve : elle s'accorde obstinément au monde magique de l'enfant, elle le tient par la main, elle l'entraîne sur la route miraculeuse où les êtres se confondent avec leurs désirs.
Les femmes ont parfois – je voudrais dire : souvent, mais je connais trop peu de femmes – l'intelligence pleine de grâce des enfants. Cela se voit dans les yeux et s'entend dans la voix de Mme d'Aulnoy, de Mme Leprince de Beaumont, de Schahrazade et de Lise Deharme. Leurs fleurs, leurs lumières, Ieurs robes ou leurs loques, leur jeunesse ou leur vieillesse deviennent celles de tous. Elles vivent, apparaissent, disparaissent, se transforment, agissent. Elles ont tout pouvoir. Ce qu'elles font des objets, les poètes voudraient bien en faire autant des mots. Mais les poètes ont presque toujours une tête d'homme malheureux, et il leur faut, pour être écoutés, prendre le masque de leur voisin qui n'est pas poète et qui est encore plus malheureux qu'eux. Et voilà, cela ne leur plaît pas. Alors, adieu aux belles images, adieu à leur voisin, adieu à leur éternité.
Les contes de Lise Deharme sont des poèmes en prose, le poème idéal surgi de la misère de notre temps, le poème de l'espoir indomptable, des vœux à en perdre la tête. Et c'est tout de suite une autre vie, surprenante, entièrement fondée sur la passion de la vie merveilleuse et du bonheur – même immérité.
Paul Éluard.
C'est doux les contes et c'est interminable. Et l'enfant se cramponne au temps qui ne passe plus. L'enfant ne grandit plus, ne grandira jamais. L'enfant, ce soir, ne s'endormira pas. À quoi bon dormir puisque son rêve est là, clair et animé, entre ses yeux et entre les lèvres douces de la conteuse. Et la conteuse rêve : elle s'accorde obstinément au monde magique de l'enfant, elle le tient par la main, elle l'entraîne sur la route miraculeuse où les êtres se confondent avec leurs désirs.
Les femmes ont parfois – je voudrais dire : souvent, mais je connais trop peu de femmes – l'intelligence pleine de grâce des enfants. Cela se voit dans les yeux et s'entend dans la voix de Mme d'Aulnoy, de Mme Leprince de Beaumont, de Schahrazade et de Lise Deharme. Leurs fleurs, leurs lumières, Ieurs robes ou leurs loques, leur jeunesse ou leur vieillesse deviennent celles de tous. Elles vivent, apparaissent, disparaissent, se transforment, agissent. Elles ont tout pouvoir. Ce qu'elles font des objets, les poètes voudraient bien en faire autant des mots. Mais les poètes ont presque toujours une tête d'homme malheureux, et il leur faut, pour être écoutés, prendre le masque de leur voisin qui n'est pas poète et qui est encore plus malheureux qu'eux. Et voilà, cela ne leur plaît pas. Alors, adieu aux belles images, adieu à leur voisin, adieu à leur éternité.
Les contes de Lise Deharme sont des poèmes en prose, le poème idéal surgi de la misère de notre temps, le poème de l'espoir indomptable, des vœux à en perdre la tête. Et c'est tout de suite une autre vie, surprenante, entièrement fondée sur la passion de la vie merveilleuse et du bonheur – même immérité.
Paul Éluard.