Défense de Lady Chatterley
Trad. de l'anglais par Jacques Benoist-Méchin
Collection Blanche
Gallimard
Parution
«Les pages que l’on va lire sont, – avec l’extraordinaire commentaire de l’Apocalypse, – les derniers textes que nous possédons de D. H. Lawrence, les ultimes éclairs d’une conscience cernée par l’hostilité de ses contemporains et par les approches physiques de la mort. Pour bien comprendre leur portée et leur signification, il n’est pas inutile de nous replacer un moment dans les circonstances qui les ont vu naître.
On sait que Lawrence, considéré par l’élite, hélas restreinte de sa nation, comme un des plus grands, – sinon le plus grand, – des écrivains anglais de son temps, avait vu son roman, L’amant de Lady Chatterley, interdit par les autorités britanniques, les exemplaires confisqués et brûlés, à Douvres, dans la «cheminée du Roi». Ce cas s’était déjà produit, vers 1921, pour l’Ulysse de James Joyce. Mais si la mesure édictée était juridiquement la même, il n’est pas certain qu’elle ait frappé ces deux écrivains d’une façon identique…
… Non contente d’accuser Lawrence de vouloir dépraver ses lecteurs, la critique s’est efforcée de le faire passer pour un homme dont les facultés se détraquaient lentement, pour un individu sur le point de franchir le seuil de la folie. Il est certain que la démarche et le rythme de sa pensée, du moins dans ses derniers ouvrages, ne sont plus ceux du raisonnement et de l’intelligence déductive. On y rencontre un piétinement d’images et d’idées, qui peut, à juste titre, dérouter le lecteur. Mais dans un passage de son Apocalypse, l’auteur de Sons and Lovers, nous donne une description si lumineuse de la mentalité prélogique des Anciens, et cette description s’applique si étroitement à sa propre pensée, qu’il nous a paru indispensable de le citer ici :
Pour apprécier comme il convient la pensée des Anciens, nous pouvons monter ou descendre vers un autre niveau, et nous trouver tout à coup dans un monde ignoré. Tandis qu’en restant fidèles à la méthode du temps continu, il nous faut poursuivre péniblement notre route et nous hisser laborieusement jusqu’au sommet de la nouveIle chaîne d’idées.
Ces lignes ont facilement raison des griefs formulés plus haut. Elles permettent également de saisir la structure des pages de cet ouvrage.»
Jacques Benoist-Méchin.