Pierre Drieu la Rochelle

Le feu follet

Collection Blanche
Gallimard
Parution
Un feu follet, c'est une flamme qui se forme de tout ce qui se décompose. Dans Alain toutes choses se décomposent, ou plutôt elles n'ont même pas pu se composer.
Arrivé à trente ans, il s'aperçoit qu'tl n'a jamais été habité par les passions. Et comme il était doué de sensibilité intellectuelle, son absence de passion s'est creusée davantage de l'absence d'idées, de l'impuissance à recevoir ou à donner un système du monde qui caractérisent toute notre époque et qui, illustrées d'une basse ironie, éclatent en traits monstrueux dans les milieux intermediaires entre la pensée et la sensation, entre la littérature et l'argent, où Alain a traîné ses savates.
Une certaine nostalgie de la grandeur rend cette constatation insupportable à Alain. En trois jours, il revoit tous les hommes et toutes les femmes dont il n'a rien pu faire, qui n'ont rien pu faire de lui. Il comprend que la drogue qui le dévore n'est faite que de cette absence en lui de tout : absence de l'amour, de l'ambition, de la curiosité, absence de femmes et d'hommes.
Il se tue. Et ainsi il prouve qu'il restait en lui quelque force.