Lettres à un ami allemand

Première parution en 1945
Nouvelle édition avec une préface inédite en 1948
Collection Blanche
Gallimard
Parution
«... Je ne puis laisser réimprimer ces pages sans dire ce qu'elles sont. Elles ont été écrites et publiées dans la clandestinité. Elles avaient un but qui était d'éclairer un peu le combat aveugle où nous étions et, par là, de rendre plus efficace ce combat. Ce sont des écrits de circonstance et qui peuvent donc avoir un air d'injustice. Si l'on devait en effet écrire sur l'Allemagne vaincue, il faudrait tenir un langage un peu différent. Mais je voudrais seulement prévenir un malentendu. Lorsque l'auteur de ces lettres dit "vous", il ne veut pas dire "vous autres Allemands", mais "vous autres nazis". Quand il dit "nous", cela ne signifie pas toujours "nous autres Français" mais "nous autres Européens libres". Ce sont deux attitudes que j'oppose, non deux nations, même si, à un moment de l'histoire, ces deux nations ont pu incarner deux attitudes ennemies. Pour reprendre un mot qui ne m'appartient pas, j'aime trop mon pays pour être nationaliste. Et je sais que la France ne perdra rien, au contraire, à s'ouvrir à une société plus large. Mais nous sommes encore loin du compte et l'Europe est toujours déchirée. C'est pourquoi j'aurais honte aujourd'hui si je laissais croire qu'un écrivain français puisse être l'ennemi d'une seule nation. Je ne déteste que les bourreaux. Tout lecteur qui voudra bien lire les Lettres à un ami allemand dans cette perspective, c'est-à-dire comme un document de la lutte contre la violence, admettra que je puisse dire maintenant que je n'en renie pas un seul mot.»
Albert Camus, 1948.
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