Nosferatu
Préface de Julien Gracq
Collection Cahiers du Cinéma/Gallimard
Gallimard
Parution
«Je dois – et d'autres devront avec moi – au livre savant et déférent qui lui est aujourd'hui consacré de saisir mieux tout ce qui, dans l'adhésion immédiate que ce film trouva en moi à dix-huit ans, se relie au goût que j'ai pris, dès que je l'ai connu aussi, pour le romantisme allemand, que le film évoque sans cesse, moins encore dans son aspect littéraire que dans son aspect pictural. Aussi admirablement le scénario du film élague le roman touffu et par instants parodique de Bram Stoker, réduit l'action à une ligne simple et pure de légende érodée par le temps, aussi admirablement son écriture à affinités gothiques sélectionne et impose des aspects inoubliables de cet imaginaire qui "tend" – sans cesse – "à devenir réel". Que ce soit dans le plan célèbre de la voiture fantôme qui "passé le pont, vient à la rencontre", ou dans celui du navire qui, courant sur son erre, entre dans le port de Brême et, sous la figure de l'eau tremblante qu'il fend et ride à peine, pénètre comme un coin et vient fissurer l'opacité du monde, Nosferatu, brandi à juste titre en son temps par le surréalisme naissant, n'a pas cessé de circonscrire et de symboliser toute une contrée sensibilisée de l'âme, en même temps qu'il en obtient dans l'enthousiamse l'allégeance, à la façon d'une drapeau.»
Julien Gracq.
Julien Gracq.