Conversations de Goethe avec Eckermann

Première parution en 1941
Trad. de l'allemand par Jean Chuzeville
Nouvelle édition revue et préfacée par Claude Roëls en 1988
Collection Du monde entier
Gallimard
Parution
C'est déjà un très vieil homme qui garde auprès de lui Johann Peter Eckermann, un jeune poète, sans grand talent, mais dont le principal mérite, aux yeux du vieux Goethe (et de la postérité), est d'être un des plus fidèles magnétophones de l'Histoire. Pendant neuf ans, Eckermann va recueillir les paroles de son dieu, dont l'âge n'émousse pas le génie ni ne ralentit la parole : «Hiver et été semblaient toujours se combattre en lui, dit Eckermann, mais ce qui était admirable, c'était de voir chez ce vieillard la jeunesse prendre toujours le dessus.» Incité, provoqué, interrogé par son fidèle écouteur, Goethe va reparcourir les chemins de sa vie et les allées de son œuvre. Dans ses promenades à Weimar en compagnie du jeune dévot, il revoit les grandes rencontres de son destin, Napoléon et Byron, Schiller et Manzoni. Les yeux de la mémoire de Goethe ont une fraîcheur vivace, en même temps que ses jugements ont pris les distances de la sagesse et de l'ironie. Il ne renie certes pas le jeune homme romantique et passionné qu'il fut, aussi plein de feu que son ami Byron et que le jeune Schiller. Mais les querelles littéraires lui semblent maintenant dérisoires et les débats théoriques ennuyeux. Il n'écoute plus que ce «démon» intérieur, «libre et impétueux», dont Eckermann reproduit les confidences jaillissantes. Si le Goethe intime, celui des amours de jadis et des sentiments personnels, est pudiquement maintenu à l'arrière-plan, le Goethe secret affleure pourtant aux détours de ces propos en liberté. Les limites même d'Eckermann assurent la fidélité de l'image du grand homme : il le vénérait trop pour avoir pu altérer la pensée du maître.