Lettres à Ottla et à la famille

Briefe an Ottla
Trad. de l'allemand (Autriche) par Marthe Robert. Édition d'Hartmut Binder et Klaus Wagenbach
Appendice par Guy Fritsch-Estrangin
Collection Du monde entier
Gallimard
Parution
Ottla, sœur préférée de Kafka, de neuf ans plus jeune que lui, survécut à son frère jusqu'en octobre 1943, date à laquelle elle disparaît à Auschwitz.
Les lettres à Ottla sont le seul témoignage direct qui nous reste des rapports entretenus par Kafka avec sa famille. Les lettres qu'il écrivit à ses deux autres sœurs, Elli et Valli, d'ailleurs moins proches de lui (et mortes également en déportation), sont certainement perdues. À son père, il n'écrivit jamais (la célèbre Lettre au père confirme cette incommunication, et l'on sait qu'elle n'atteignit jamais son destinataire). À sa mère, il ne s'adresse le plus souvent que par l'intermédiaire des lettres à Ottla.
Si les lettres à Ottla nous renseignent avec une particulière richesse sur la conception que se fait Kafka de la vie quotidienne, de ses nécessités pratiques et des liens d'intimité qu'elle comporte, cela tient sans doute au fait qu'il entretient avec sa sœur des rapports non pas complexes (ils sont au contraire infiniment simples) mais qui ont le relief et le charme d'une tendresse double. Il est tantôt l'enfant, le protégé d'Ottla – celle à laquelle il s'en remet par exemple pour des démarches incessantes auprès du directeur de sa Compagnie d'assurances en vue d'obtenir les congés que sa santé exige – et tantôt son éducateur très scrupuleux, d'un sérieux sans lourdeur, sans rien de ce que les lettres à la fiancée, Delice, pouvaient avoir de sermonneur. Tout se passe comme si l'homme que Kafka eût voulu être et ne pouvait être avec la femme aimée, il l'était cependant déjà d'une certaine manière : homme d'une sagesse inquiète certes, mais d'une inquiétude elle-même constamment tempérée de gentillesse et d'humour.