Délit de fiction

. La littérature, pourquoi ?
Première édition
Collection Folio essais (no558)
Gallimard
Parution
Jamais notre quotidien n’a été à ce point saturé d’histoires : qui raconte sa vie sur un trottoir, qui, sur un plateau de télévision, qui, dans le journal, qui, dans un livre, qui, sur un blog, qui, sur un site internet. Jamais notre monde ne s’est rendu autant disponible à l’écoute des histoires de chacun, leur assurant par la technologie une diffusion peut être immédiatement planétaire. Or ces histoires-là, courtes, longues, fragmentaires, sont «vraies», puisqu’elles sont immédiatement identifiées à la réalité d’un locuteur, d’un «sujet». L’adéquation du vécu au narré constitue l’identité de l’auteur en même temps qu’elle le constitue et l’identifie comme sujet.
Pourquoi faut-il, dès lors, marginaliser et faire taire la littérature en la parquant dans l’espace exclu et réservé de la «fiction», alors qu’elle est précisément l’invention la plus haute et la plus exigeante d’une forme écrite de l’action et du temps humain? Probablement parce que la littérature s’attache, au travers des histoires imaginées, inventées, extraites ou non de la réalité, à penser les questions fondamentales dont les «histoires vraies» font l’économie. Le sujet de la littérature, c’est un sujet problématique dans un être en libre devenir. La littérature est une force imprévisible de propositions inattendues quant à la question du sujet, et il est toujours plus urgent de la cerner dans cet espace livresque de la «fiction», que l’on parcourt en ses heures perdues de loisir et de distraction, où l’on s’accorde précisément à perdre son temps avec ce qui n’est que… littérature.
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