Moi, Eugénie Grandet

Précédé de Mystères d'une identification, essai de Jean Frémon
Parution
Entre 2007 et 2010, dans ce qui devait être un ultime retour vers le travail de la broderie et du tissage qui avait été le sien dans sa jeunesse, Louise Bourgeois imagina seize petits panneaux en hommage à la pâle héroïne de Balzac. Torchons et mouchoirs, parfois élimés, pliés dans les armoires depuis son départ aux États-Unis en 1938, agrémentés de perles, de boutons, d'épingles, de fleurs, de tissus, de strass, reliquaires évoquant le temps qui passe, la minutie des herbiers et l'humilité des ouvrages de dames.
L'écho entre mythe littéraire et légende familiale – source d'inspiration essentielle de l'art de Louise Bourgeois – s'impose d'évidence, comme le souligne Jean Frémon, qui fut un familier de l'artiste, dans son essai introductif. Père froid et distant, mère effacée, fille sacrifiée : Eugénie Grandet est aux yeux de l'artiste «le prototype de la femme qui ne s'est pas réalisée. Elle est dans l'indisponibilité de s'épanouir (...), prisonnière de son père qui avait besoin d'une bonne. Son destin est celui d'une femme qui n'a jamais l'occasion d'être une femme».
Faussement désuètes, parodiquement appliquées, subtilement ironiques, ces seize compositions qui évoquent la solitude, le vieillissement, la frustration, l'effacement offrent aussi une célébration de la patience féminine, dans tous les sens de l'expression.
Du même auteur
(1882-1935)