Le Coupable

«Un homme mûrit, – vieillit, si l'on veut, – de près ou de loin s'approche de la mort. Il lui paraît difficile sans combat d'abandonner à la tombe un être qui n'a rien compris, qui traversa la terre comme un rêve, une fantaisie dépourvue de sens et manquant pour finir à la fantaisie. Il lutte désespérément dans l'espoir de ne pas sombrer. Il interroge ainsi, dans l'angoisse, les possibilités dernières : l'extase, la chance, le rire. Il gravit, à grand'peine, épuisé, des pentes vertigineuses. Parvenu au sommet, il aperçoit de ces possibilités qu'elles ne sont que ce qu'elles sont... Se retournant alors vers ceux dont il est l'image et dont il se crut l'envoyé, il se découvre, non sans ironie, séparé d'eux. Le fait d'arriver au sommet est considéré par eux comme une faute dont il s'est rendu coupable. Ce ne serait pas le sommet, s'il n'en était pas ainsi : sans rémission possible, il a perdu le repos, la quiétude des autres.»
Georges Bataille.