Droit et démocratie

. Entre faits et normes
Trad. de l'allemand par Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz
Collection NRF Essais
Gallimard
Parution
Droit et démocratie est une oeuvre majeure.
Nul, plus que Jürgen Habermas, n’a pensé les impasses de la modernité. Alors que la Raison a cessé d’avoir son siège dans l’Histoire — notre siècle l’a prouvé, avec son cortège de violences, de guerres et de génocides —, l’État de droit, qui devrait en être l’incarnation, s’est trouvé écartelé entre ses normes et les faits, soumis, par les impératifs économiques et politiques, à une instrumentalisation fonctionnelle croissante.
Au terme d’un siècle de déraison, la modernité, consciente de ses contingences, ne peut se passer d’une raison procédurale, ni d’une raison qui mette en oeuvre sa propre critique. Habermas s’est attelé à refonder la philosophie de la raison, c’est-à-dire la critique de la domination et la théorie de l’émancipation. Il pose l’activité communicationnelle comme originairement constitutive de la société : permettant la compréhension intersubjective grâce à laquelle sont précisés, définis des normes sociales, des valeurs, des rôles nécessaires à toute communauté, elle est ce sans quoi il n’y aurait pas même de société possible.
Les questions du droit et de la démocratie dès lors deviennent centrales : il s’agit de penser l’écart existant entre les théories sociologiques du droit et les théories philosophiques de la justice, de redéfinir le rapport entre morale et droit, de préciser le concept normatif de politique délibérative, de fonder un nouveau paradigme du droit par-delà ceux, épuisés, du libéralisme et de l’État providence.
Face aux défis que le droit et la démocratie doivent relever — de la limitation écologique de la croissance économique à la disparité croissante des conditions de vie entre le Nord et le Sud, de la liquidation du socialisme d’État à la prise en compte des flux migratoires internationaux, de la limitation de souverainetés nationales à la recrudescence des guerres ethniques et religieuses —, il y a urgence à revivifier ce que l’État de droit démocratique peut avoir de radical, à défendre sa ressource véritablement menacée : une solidarité sociale, assurément garantie par les structures juridiques, mais qui constamment doit être régénérée.
« Dans les conditions d’une politique parfaitement sécularisée, l’État de droit ne peut être ni réalisé ni maintenu sans démocratie radicale. Faire de ce pressentiment une connaissance, tel est le but de l’étude que je présente ici. »