La construction de la réalité sociale

The Construction of Social Reality
Trad. de l'anglais (États-Unis) par Claudine Tiercelin
Collection NRF Essais
Gallimard
Parution
Que font exactement les sciences humaines ? La philosophie veut rendre les raisons dernières de la pensée, voire de ses antinomies ; l'historien, dire ce que furent réellement les situations et les actions ; la sociologie, expliquer le jeu des intentions des acteurs et des contraintes collectives ; l'économie, dévoiler les mécanismes autonomes de la production et de l'échange. Tous, à leur manière, tiennent pour acquise la réalité objective de leurs objets. Aucune ne repart de la question radicale posée par John R. Searle : comment une réalité mentale, un monde de la conscience, de l'intentionnalité s'ajustent-ils à un monde entièrement constitué de particules dans des champs de force ?
En effet, du monde physique, les sciences, telles la chimie ou la physique, rendent compte. Mais des faits sociaux, qui ne tirent leur réalité que des hommes, comment rendre compte ? Tous les éléments de la réalité sociale (aussi divers que l'argent, la délégation politique, les convictions et les programmes, les groupes d'appartenance ou les archives) n'ont d'existence objective que parce que collectivement nous y croyons, nous leur assignons une fonction (de symbolisation, de représentation, de signification), nous élaborons à côté des faits bruts, objets des sciences, des faits institutionnels, objets des sciences humaines.
Par cette grammaire simple - celle des actes de langage, de l'intentionnalité collective, du comportement volontairement régi par des règles communément acceptées afin qu'advienne une réalité sociale qui nous lie - John R. Searle rappelle toutes les sciences humaines à l'ordre de leurs fondements.