La dernière catastrophe
. L'histoire, le présent, le contemporain
Collection NRF Essais
Gallimard
Parution
Naguère suspecte, voire rejetée, l'histoire du temps présent a pris aujourd'hui une place sans commune mesure dans l'espace public comme à l'Université – avec l'explosion du nombre d'étudiants en cette matière. À cela, plusieurs raisons : la mémoire et le patrimoine ont envahi l'espace public et scientifique ; le témoignage a pris l'allure d'un impératif social et moral ; la justice temporelle s'est muée en tribunal de l'histoire pour juger de crimes politiques vieux de plusieurs décennies mais dont l'après-coup continue de cheminer dans notre présent.
Une évidence, dira-t-on. Mais mesure-t-on pour autant le revirement qui se joue ici? Car le passé n'est plus cet ensemble de traditions à respecter, d'héritages à transmettre, de connaissances à élaborer ni de morts à commémorer ; c'est un constant «travail» de deuil ou de mémoire à entreprendre, tant s'est enracinée l'idée que si le passé doit être arraché des limbes de l'oubli, seuls des dispositifs publics ou privés peuvent l'en exhumer, avec ou sans l'aide de l'historien.
Tel est le «présentisme» : devenu un problème à résoudre, et désormais un champ de l'action publique, le passé – et singulièrement le passé proche, celui des dernières catastrophes en date – n'est pas oublié, il est constamment mobilisé et reformulé selon les urgences du jour. L'exigence de vérité propre à la démarche historique s'est muée en exigence sociale de reconnaissance, en politiques de réparation, en discours d'excuses à l'égard des victimes.
La question de la contemporanéité n'est pas nouvelle : elle s'est posée à travers les âges, mais Henry Rousso prend la mesure de sa profonde transformation au cours des deux grands après-guerres du XXᵉ siècle et définit ses enjeux fondamentaux : comment écrire une histoire en train de se faire? Comment mettre à distance la proximité apparente? Comment se battre sur deux fronts à la fois – celui de l'histoire et celui de la mémoire, celui d'un présent que l'on ne veut pas voir passer et celui d'un passé qui revient hanter le présent? La nouvelle histoire du contemporain, toute entière inscrite dans cette tension, est plus que jamais marquée par l'incertitude, l'instabilité et l'inachèvement.
Une évidence, dira-t-on. Mais mesure-t-on pour autant le revirement qui se joue ici? Car le passé n'est plus cet ensemble de traditions à respecter, d'héritages à transmettre, de connaissances à élaborer ni de morts à commémorer ; c'est un constant «travail» de deuil ou de mémoire à entreprendre, tant s'est enracinée l'idée que si le passé doit être arraché des limbes de l'oubli, seuls des dispositifs publics ou privés peuvent l'en exhumer, avec ou sans l'aide de l'historien.
Tel est le «présentisme» : devenu un problème à résoudre, et désormais un champ de l'action publique, le passé – et singulièrement le passé proche, celui des dernières catastrophes en date – n'est pas oublié, il est constamment mobilisé et reformulé selon les urgences du jour. L'exigence de vérité propre à la démarche historique s'est muée en exigence sociale de reconnaissance, en politiques de réparation, en discours d'excuses à l'égard des victimes.
La question de la contemporanéité n'est pas nouvelle : elle s'est posée à travers les âges, mais Henry Rousso prend la mesure de sa profonde transformation au cours des deux grands après-guerres du XXᵉ siècle et définit ses enjeux fondamentaux : comment écrire une histoire en train de se faire? Comment mettre à distance la proximité apparente? Comment se battre sur deux fronts à la fois – celui de l'histoire et celui de la mémoire, celui d'un présent que l'on ne veut pas voir passer et celui d'un passé qui revient hanter le présent? La nouvelle histoire du contemporain, toute entière inscrite dans cette tension, est plus que jamais marquée par l'incertitude, l'instabilité et l'inachèvement.