Le Génocide au Cambodge

(1975-1979). Race, idéologie et pouvoir
Trad. de l'anglais (États-Unis) par Marie-France de Paloméra
Collection NRF Essais
Gallimard
Parution
Imagine-t-on les Alliés, en toute connaissance du génocide des juifs, ne déférant pas en 1945 l'amiral Dönitz au tribunal de Nuremberg, mais le maintenant au pouvoir pour contrer les ambitions de Staline ? Ce fut, toutes proportions gardées, pourtant le cas au Cambodge.
Sur une population estimée à 7 900 000 habitants, le régime de Pol Pot causa la mort de quelque 1 700 000 personnes, soit plus de vingt pour cent de la population. L'unicité du génocide au Cambodge ne tient cependant pas seulement à ce bilan, sans égal en ce siècle, de la liquidation de presque un quart de la population d'un pays, mais à la mobilisation totale des formes raciales et sociales du crime. [...]
De ce génocide, nous n'avons toutefois qu'une mémoire abstraite, vague, sans contours. Car les impératifs géostratégiques des États-Unis et de la Chine firent que les auteurs du génocide, après leur chute, ne furent pas jugés, mais soutenus contre le Viêt Nam. Faute que la justice soit passée, l'histoire, à l'échelle des nations, cultive une sorte d'oubli. À une époque où le plus grand nombre aime à résumer les barbaries de notre siècle finissant en quelques noms de lieux et acronymes - Auschwitz, le Goulag -, tout le monde, ou presque, ignore le Santebal, la terrible police secrète du régime de Pol Pot, et le centre d'exécution de Tuol Sleng. Comme s'il s'était agi d'un génocide sans importance.
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