Antonin Artaud (1896-1948)
Poète, acteur, metteur en scène et dessinateur né à Marseille en 1896, Antonin Artaud adhéra au mouvement surréaliste en 1925. Son manifeste Le Théâtre de la cruauté, publié en 1935, révolutionna la conception occidentale du théâtre. Interné près d'une dizaine d'années, Artaud continuera d'écrire et de dessiner jusqu'à sa mort en 1948.
1896 — 4 septembre. Naissance, à Marseille, d'Antoine Marie Joseph Artaud, dit Antonin. Son père, Antoine Roi Artaud, est capitaine au long cours et possède une petite compagnie maritime. Sa mère, Euphrasie Nalpas, est originaire de Smyrne. Ses deux grands-mères, Catherine Artaud et Marie Nalpas, sont sœurs. « Il y a un mystère dans ma vie, Marthe Robert, dont la base est que je ne suis pas né à Marseille le 4 septembre 1896, mais que je suis passé ce jour-la, venant d'ailleurs, parce qu'en réalité je ne suis jamais né et qu'en vérité je ne peux pas mourir » (lettre à Marthe Robert du 29 mars 1946).
1910-1921 — Premiers poèmes qu'il publie dans la revue de son collège sous le pseudonyme de Louis des Attides. Après plusieurs séjours dans des maisons de santé (dépressions, troubles « nerveux »), il s'installe à Paris, confié par sa famille au docteur Toulouse, qui le nomme cosecrétaire de sa revue Demain. Il s'occupe de la rubrique critique (arts, littérature, théâtre). Rencontre Lugné-Poe ; devient figurant de théâtre. Engagé dans la compagnie de Charles Dullin, qui deviendra plus tard L'Atelier (plusieurs petits rôles). Rencontre avec la comédienne Génica Athanasiou, à laquelle le liera jusqu'en 1927 une passion orageuse.
1923 — Travaille avec la compagnie Pitoëff. Parution de son premier recueil de poèmes, Tric Trac du ciel.
1924 — Parution de la correspondance entre Artaud et le directeur de La NRF, Jacques Rivière, dans le numéro de septembre 1924 de la revue (et reprise sous le titre Correspondance avec Jacques Rivière dans la collection « Une Œuvre, un portrait » en 1927). Collabore à La Révolution surréaliste.
1925 — Publie dans de très nombreuses revues ; responsable du no 3 de La Révolution surréaliste. Publication de L'Ombilic des limbes et du Pèse-nerfs aux Éditions de la NRF. Début du tournage du Napoléon d'Abel Gance (rôle de Marat).
1926 — Publication du manifeste du Théâtre Alfred-Jarry qu'il fonde avec Roger Vitrac et Robert Aron. Il est exclu du groupe surréaliste.
1927-1930 — Tourne dans plusieurs films, dont La Passion de Jeanne d'Arc de Carl Dreyer (rôle du moine Massieu). Spectacles du Théâtre Alfred-Jarry ; écrit des scénarios de films, dont La Coquille et le clergyman, et de nombreux textes, manifestes, projets de mises en scène. Il décide de mettre un terme à l'expérience du Théâtre Alfred-Jarry.
1931-1933 — Nombreux textes théoriques sur le théâtre. Le 1er octobre 1932, le premier manifeste du Théâtre de la cruauté paraît dans La NRF, le second, sous forme de brochure en 1933. Plusieurs tentatives de désintoxication (a commencé à prendre de l'opium en 1919). Rencontre Anie Besnard et Anaïs Nin.
1934 — Publication de Héliogabale ou l'Anarchiste couronné chez Denoël. Parution dans La NRF du Théâtre et la peste. Rencontre avec Balthus.
1935. Représentations aux Folies-Wagram des Cenci, tragédie d'après Shelley et Stendhal qu'il met en scène dans des décors de Balthus. Prépare le recueil de ses textes sur le théâtre, Le Théâtre et son double, qui paraîtra finalement en 1938.
1936 — Séjour au Mexique, en partie financé par une mission du ministère de l'Éducation nationale : nombreux textes et conférences. Passe le mois de septembre avec les Indiens de la Sierra Tarahumara.
1937 — Projet de mariage puis rupture avec Cécile Schramme. Cures de désintoxication. Décide que son nom doit disparaître : parution chez Denoël des Nouvelles Révélations de l'Être, signées Le Révélé. Parution, dans La NRF, D'un voyage au pays des Tarahumaras, signé par trois étoiles. Au retour d'un voyage houleux en Irlande (oubli de son identité, un moment emprisonné pour vagabondage), il est interné d'office à l'asile psychiatrique de Quatre-Mares à Sotteville-lès-Rouen.
1938 — Transféré à Sainte-Anne où il est vu, entre autres, par Jacques Lacan.
1939-1943 — Séjour à l'hôpital psychiatrique de Ville-Évrard. Écrit de très nombreuses lettres. En novembre 1942, la mère d'Artaud obtient, grâce à l'aide de Robert Desnos, le transfert de son fils en zone « libre », dans le service du docteur Ferdière à Rodez.
1943-1946 — Séjour à l'hôpital psychiatrique de Rodez. Série d'électrochocs. Adaptation de textes de Lewis Carroll et d'Edgar Poe, dans le cadre de l'art-thérapie prôné par le docteur Ferdière. Écrit beaucoup, en particulier de nouveaux textes en vue de la publication d'Un voyage au pays des Tarahumaras en novembre 1945. À partir du début de l'année 1945, il commence à réaliser de grands dessins en couleur, écrit et dessine tous les jours dans de petits cahiers d'écolier qui deviendront les Cahiers de Rodez (Œuvres complètes, T. XV à XXI) puis Cahiers du retour à Paris (Œuvres complètes, T. XXII à XXV). Cette activité durera jusqu'à sa mort. En avril 1946, sortie de Lettres de Rodez chez G.L.M. Amitié de Jacques Prevel.
« Moi je réponds que nous sommes tous en état épouvantable d'hypotension, / nous n'avons pas un atome à perdre sans risquer d'en revenir immédiatement au squelette, alors que la vie est une incroyable prolifération, l'atome éclos en pond un autre, lequel en fait immédiatement éclater un autre. / Le corps humain est un champ de guerre où il serait bon que nous revenions. / C'est maintenant le néant, maintenant la mort, maintenant la putréfaction, maintenant la résurrection / attendre je ne sais pas quelle apocalypse d'au-delà, / l'éclatement de quel au-delà pour se décider à reprendre les choses est une crapuleuse plaisanterie. / C'est maintenant qu'il faut reprendre vie. » Antonin Artaud, 1946
1946 — Libéré de l'asile, il arrive à Paris le 26 mai. Les amis qui ont organisé son retour — en particulier, Marthe Robert et Arthur Adamov — l'installent à Ivry dans la maison de santé du docteur Delmas qui lui donne toute liberté d'aller et venir. Le 6 juin : exposition à la Galerie Pierre de peintures, dessins et manuscrits offerts par de nombreux artistes et écrivains afin qu'ils soient vendus aux enchères à son profit. Le 7 juin est organisée au Théâtre Sarah-Bernhardt une séance d'hommage à Antonin Artaud, ouverte par André Breton. 13 juin : vente aux enchères des œuvres exposées. Enregistre pour la radio Les Malades et les médecins et Aliénation et magie noire. Écrit et publie de nombreux textes.
1947 — 13 janvier : Tête à tête, séance au Théâtre du Vieux-Colombier. En juillet, exposition de « Portraits et dessins » à la Galerie Pierre (textes lus par Marthe Robert, Colette Thomas, Roger Blin et Artaud lui-même). 22-29 novembre : enregistrement de l'émission Pour en finir avec le jugement de dieu. Parution d'Artaud le Mômo et de Van Gogh le suicidé de la société. Absorbe de grandes quantités de laudanum pour soulager ses douleurs.
1948 — Publication de Ci-gît précédé de La Culture indienne. Une consultation à la Salpêtrière révèle un cancer inopérable du rectum. Interdiction, le 1er février, de l'émission radiophonique Pour en finir avec le jugement de dieu ; nombreux remous et protestations. Le 4 mars, il est trouvé mort, assis au pied de son lit, par le personnel de la maison de santé. L'ultime cahier, inachevé, porte ces derniers mots : « de continuer à / faire de moi / cet envoûté éternel / etc. etc. »